Vietnam sous Tô Lâm : Modernisation autoritaire et ouverture contrôlée

Vietnam sous Tô Lâm : Modernisation autoritaire et ouverture contrôlée
Depuis l’arrivée de Tô Lâm à la tête du Parti communiste vietnamien (PCV) en 2024, le Vietnam s’est engagé dans une phase ambitieuse de réformes administratives et économiques. Mais cette dynamique de modernisation reste circonscrite à l’économie et à l’appareil d’État : aucune ouverture politique réelle n’accompagne ces changements. L’ère que Tô Lâm qualifie lui-même de « montée nationale » suscite autant d’espoirs que d’interrogations, notamment au sein de la diaspora vietnamienne, traditionnellement soucieuse des questions de libertés, de reconnaissance et de participation.
Modernisation technocratique mais sous contrôle politique
Ancien ministre de la Sécurité publique, Tô Lâm incarne un réformateur pragmatique, porté par la volonté de rationaliser l’appareil d’État, de combattre la corruption et de stimuler l’innovation. Il encourage la fusion des administrations, la réduction des effectifs publics et l’introduction de modes de gestion inspirés du secteur privé. Ces réformes, saluées par une partie des milieux d’affaires et des investisseurs, visent à renforcer la compétitivité du pays et à attirer des talents, y compris au sein de la diaspora.
Mais cette modernisation reste étroitement contrôlée. Le monopole politique du PCV demeure intact, la censure reste active, et aucune avancée significative n’est constatée en matière de libertés publiques ou de pluralisme politique. La répression des voix critiques, la surveillance renforcée des réseaux sociaux et l’absence d’espace autonome pour la société civile confirment le caractère autoritaire du régime, où toute contestation frontale reste sévèrement sanctionnée.
Une certaine ouverture sélective envers la diaspora
Vis-à-vis de l’importante diaspora et quant à son rôle, le Vietnam multiplie les gestes d’ouverture : facilitation de la double nationalité, simplification des démarches administratives, accès élargi à la propriété et reconnaissance officielle du rôle « précieux » des Vietnamiens de l’étranger. Ces mesures séduisent une partie des expatriés, notamment les jeunes générations et les entrepreneurs, qui y voient une opportunité de contribuer au développement du pays, de renouer avec leurs origines et de mettre leurs compétences au service du Vietnam.
Cependant, une méfiance tenace persiste, notamment parmi les exilés politiques et les réfugiés des générations précédentes, marqués par l’expérience de la répression et de l’exil forcé. Beaucoup perçoivent ces initiatives comme des mesures utilitaristes, destinées à capter ressources et savoir-faire, sans volonté réelle de reconnaissance historique ni de réconciliation politique. L’absence de réformes démocratiques et de garanties solides en matière de droits humains limite la portée de ces gestes, notamment pour les membres de la diaspora attachés aux valeurs de liberté, de justice et de vérité.
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Une société vietnamienne résiliente, sous contraintes
Qu’en est -il de la population vietnamienne ? À l’intérieur du pays, la société vietnamienne fait preuve d’une remarquable capacité d’adaptation. Elle exploite les marges de manœuvre tolérées — notamment sur les réseaux sociaux — et navigue avec pragmatisme dans les limites imposées. Mais toute forme d’opposition structurée reste marginalisée ou réprimée. Le discours officiel valorise la stabilité et la croissance économique, et la diversité des opinions n’est admise que dans les strictes limites fixées par le régime.
La diaspora, un levier stratégique mais critique
Dans ce contexte, la diaspora vietnamienne représente un acteur clé pour l’économie et l’image du pays. Elle joue un rôle de passerelle pour les investissements, l’innovation et le transfert de compétences, tout en promouvant la culture vietnamienne à l’international. Nombreux sont ceux qui souhaitent contribuer à la modernisation du pays, proposer des pistes de réforme et renforcer les liens avec les autorités. Mais cette dynamique positive s’accompagne d’une vigilance constante sur la nature réelle des réformes et sur le respect effectif des libertés fondamentales.
Conclusion
L’ère Tô Lâm ouvre une phase de modernisation économique et d’ouverture partielle, qui offre de nouvelles opportunités de coopération avec la diaspora. Mais cette ouverture reste strictement encadrée, sans remise en cause des verrous politiques ni reconnaissance des mémoires blessées du passé.
La confiance de la diaspora ne pourra être pleinement restaurée qu’au prix d’une ouverture politique authentique et d’une reconnaissance de la pluralité des voix et des récits. Pour la diaspora engagée, contribuer au développement du Vietnam est une perspective à la fois possible et souhaitable, à condition qu’elle s’accompagne d’une exigence constante de vérité, de justice et de respect des droits fondamentaux.