Diaspora vietnamienne : entre mémoire et nouvelles réalités

Le texte qui suit est inspirée par un écrit récent d’un ancien prisonnier politique Lê Quoc Quân . Le Cosunam et de nombreuses ONG des droits humains s’étaient engagés pour sa libération au début des années 2010. Il vit actuellement aux Etats-Unis.
Les commémorations et les nombreuses manifestations lors de la date du 30 avril de chaque année par la diaspora vietnamienne exilée dans différents pays et villes du monde (quelques 2 millions dans le monde) symbolisaient pendant 50 ans la persistance d’une mémoire et d’un idéal pour un Vietnam libre et non communiste. Les temps ont évolué.
A ce jour, de nombreux vétérans, militants et activistes continuent d’évoquer la « cause nationale » et la lutte démocratique, mais le contraste est évident : la génération des années 1975 vieillit, les assemblées deviennent rares, les drapeaux jaunes de la liberté aux 3 bandes rouges sont moins voyants et les thèmes liés aux prisonniers politiques et aux droits de l’homme cèdent beaucoup plus la place aux évènements culturels et sociaux dans les communautés. Les attentes excessives vis-à-vis des actions des dissidents au Vietnam, souvent modestes et dispersés, ont conduit à des déceptions. De leur côté, beaucoup de Vietnamiens d’outre-mer privilégient désormais la vie quotidienne dans leur pays d’accueil et l’intégration de leur familles notamment avec l’apparition de la troisième génération.
Pendant ce temps, au Vietnam, la transformation est rapide : urbanisation, dynamisme économique et création d’usines de produits du monde, jeunesse connectée et friande de loisirs occidentaux , tourisme de masse . Des Vietnamiens de l’étranger y retournent, partagés entre adaptation aux règles de cette nouvelle société et critique des excès du capitalisme rouge avec son lot de corruption et d’injustice.
Dans les communautés religieuses, naguère si vindicatives, le discours publique critique est devenu prudent. Bonzes, prêtres et fidèles craignent de compromettre leurs liens avec l’Etat, nécessaires pour développer leurs activités caritatives.
Pourquoi ce nouveau paradigme ? Au Vietnam, malgré des progrès sociaux et économiques, la question politique reste totalement verrouillée par un régime policier constamment aux aguets. A défaut d’être aimé ou respecté, le parti néo-communiste reste redouté par la population notamment après la répression des émeutes dans tout le pays en juin 2018 contre les zones économiques cédées à Pékin. Et depuis quelques années, les pays occidentaux ont placé en priorité leurs relations commerciales avec le Vietnam au détriment des questions de droits de l’homme. Real politik et business first !
Quelques figures de la diaspora continuent d’agir : anciens prisonniers et activistes en exil, militants engagés dans différentes organisations . Leur persistance maintiennent le feu de la cause démocratique après leur exil . Ils sont rejoints depuis quelque temps par les membres de minorités montagnardes persécutés et par des collectifs de jeunes travailleurs du Vietnam partis à l’étranger souvent clandestinement.
Entre mémoire des répressions des années septante, des exactions et fausses promesses d’un régime communiste, des contraintes de l’exil depuis un demi-siècle et du constat de l’évolution rapide de leur pays d’origine, la diaspora vietnamienne se retrouve à un carrefour difficile dans sa recherche pour un meilleur Vietnam.