Le Vietnam assassine ses citoyens

Il n’y a pas qu’en Birmanie où un régime à parti unique bafoue violemment les droits de l’homme


 
par Pascale Berry-Wavre

Lundi 8 mars, la justice vietnamienne jugera en appel six des vingt-neuf personnes qu’elle avait condamnées le 14 septembre 2020 pour des faits de résistance à l’autorité. Parmi elles, deux ont été condamnés de la peine de mort. Quel sera le sort de ces hommes de Dông Tâm qui, début 2020, se battaient encore contre l’expropriation des terres de leur village ?

Le Vietnam reste aujourd’hui l’une des pires dictature qui soit. Ses ambitions touristiques et économiques le conduisent à exproprier sans indemnisation équitable, asservir une grande partie de la population avec un impact catastrophique sur l’environnement. L’affaire dite de « Dông Tâm » illustre ces pratiques. En 1980, ce village situé à une cinquantaine de kilomètres de Hanoi donne son accord au pouvoir central pour l’occupation d’une surface de 47 hectares destinés à un aéroport militaire. Les villageois ne conservent alors plus que 59 hectares pour leurs cultures.

Mais 40 ans plus tard, pas trace d’aéroport. Les terres restent inutilisées. Qu’à cela ne tienne : en 2017, le gouvernement veut mettre la main sur les autres 59 hectares, au profit d’un projet d’urbanisation massive. Il propose un montant dérisoire aux paysans pour les indemniser pour la perte de leurs terres, les condamnant à la misère. Le litige, avec de nombreuses péripéties, s’éternise jusqu’à ce que la police vietnamienne, dans la nuit du 8 janvier 2020, donne l’assaut sur Dông Tâm, faisant plusieurs victimes, en particulier le leader de la communauté, âgé de 85 ans, abattu sur place.

Les 29 personnes condamnées le 14 septembre sont des villageois de Dông Tâm, qui ont tenté de protéger les leurs contre cette agression. Le procès lui-même fut un simulacre, avec menaces sur les témoins, intimidation des avocats et extorsion d’aveux sous la torture. Aucune des garanties de droit les plus élémentaires n’ont été respectées à ces accusés, qui ont été condamnés à de peines d’une sévérité extrême, deux d’entre eux à la peine capitale : Lê Dinh Chuc et son frère Lê Dinh Cong, fils du patriarche.

L’affaire a suscité de nombreuses réactions. Grâce à l’activisme de la diaspora vietnamienne, les chancelleries de très nombreux pays, l’Union européenne et la Suisse sont alertées et se penchent désormais sur ce cas. Pour les militants des droits de l’homme, ces pressions internationales sont le seul espoir de voir la justice vietnamienne changer d’attitude dans ce dossier.

La prochaine fois que vous achèterez des biens fabriqués au Vietnam ou y songerez comme destination de vacances, pensez-y. Il y a de fortes chances que de simples paysans ou pêcheurs aient été spoliés, voire assassinés pour permettre l’installation d’une usine ou d’un complexe hôtelier. Que des avocats aient été arrêtés et emprisonnés pour avoir osé défendre ces victimes. Que des familles se trouvent endeuillées ou menacées. Le jugement en appel qui est attendu ces prochains jours donnera une indication de l’état de ce pays en matière de fonctionnement judiciaire et s’il est prêt à améliorer ses institutions politiques, comme s’est engagé à le faire le Premier ministre vietnamien le 19 février à Hanoï dans le cadre de l’ambitieuse stratégie de développement du tourisme jusqu’en 2030. / Pascale Berry-Wavre
 

Le drame de Dông Tâm

Un rappel du drame par Sebastien Desfayes lors de l’interview par RFA Radio Free Asia

De nombreuses personnalités politiques suisses et des observateurs étrangers focalisent leur attention sur le procès en appel des six condamnés dans l’affaire Dong Tam qui aura lieu lundi 8 mars et ce pendant 3 jours.
Sébastien Desfayes, député au Grand Conseil de Genève, président du Cosunam, a eu un échange fin février avec l’un des avocats sur cette affaire Mr Dang Dinh Manh.

Le 2 mars, Giang Nguyen, journaliste de RFA Radio Free Asia, a questionné Sébastien Desfayes sur les prochaines mesures à prendre de la Suisse à l’issue du prochain procès en appel. Voici un résumé des points importants :

-Giang Nguyen: On sait que récemment vous aviez eu une conversation avec Me Dang Dinh Manh, avocat et défenseur des accusés de l’affaire Dong Tam. Pouvez-vous nous dire les dernières informations que vous avez eu avec lui ?

 
-Sébastien Desfayes: Oui, j’ai eu un long entretien téléphonique avec l’un des avocats le 18 février. Me Manh m’a fait part d’informations intéressantes, des points positifs et aussi de ses préoccupations.
La bonne nouvelle est que les contacts des avocats avec les accusés et leurs familles se passent relativement bien, du moins pour le moment. Il m’a dit qu’il a droit à un accès normal aux documents officiels des accusés. Pourtant, il y a une exception. Au moment de notre entretien, l’avocat ne connaissait toujours pas la date de l’audience. Nous venons maintenant d’être informés que le procès aura lieu le 8 mars, ce qui signifie une convocation de toute urgence.
En revanche, les avocats des accusés sont préoccupés par le non-respect des principes procéduraux.
Premièrement, l’enquête sur l’incident a été menée par le même service de police qui a pris d’assaut le village de Dong Tam. Ce qui pourrait mettre en cause l’indépendance de l’enquête. Il s’agit manifestement pour moi d’un conflit d’intérêts flagrant. Il m’a également rapporté que la justice avait refusé de reconstituer les faits et la scène de l’assaut. C’est surprenant, puisque même au Vietnam, un accident de la circulation peut faire l’objet d’une reconstitution sur le terrain. Mais, pour un problème aussi grave que celui de Dong Tam, le refus du tribunal est arbitraire.
Autre sujet de préoccupation, j’ai appris que le tribunal n’avait pas tenu compte de la demande de l’avocat de permettre à des témoins importants de comparaître, notamment l’épouse et la belle-fille du chef du village de Dong Tam, M. Le Dinh Kinh.
Une autre demande non autorisée est l’accès à l’ordonnance officielle de l’Etat autorisant l’intervention policière à Dong Tam. Selon les autorités, cet ordonnance est confidentielle et ne peut donc pas être divulguée au tribunal. C’est très inquiétant, car en refusant de divulguer publiquement ce document, nous pouvons en déduire que l’ordre signé du gouvernement autorisait en fait seulement la police de maintenir l’ordre et ceci sans usage de violence.

Telles sont les différentes questions liées aux différentes procédures équitables. Je dois ajouter que selon l’avocat Manh, les pétitions et courriets de protestation envoyées au gouvernement ont eu un impact sur les décisions de la cour. L’avocat m’a informé que sur les 24 personnes initialement accusées de meurtre, seulement 6 ont finalement été accusées de crimes ( ndlr : 3 policiers ont été tués pendant l’assaut dans des circonstances douteuses et vraisemblablement par des des tirs collatéraux amis) et les autres ont été accusées seulement “d’obstruction à l’autorité”. Il a donc souligné l’importance de la mobilisation internationale et nationale.
-Giang Nguyen: Alors, selon vous, quelles seront les possibilités de réduction de la peine de mort?

 
-Sébastien Desfayes: Il est très difficile pour Me Manh de prédire l’issue du procès. Il ne peut faire aucune prédiction. Mais il m’a également affirmé qu’une fois la décision rendue après le procès du 8 mars, les chances de succès d’un recours spécial (révision en cassation) sont très faibles. Manh m’a également dit qu’une demande de clémence ou de grâce est possible, mais qu’elle est très arbitraire et imprévisible.
Nous devons attendre et voir. J’admire le courage et le dévouement de mes confrères avocats vietnamiens.

 
-Giang Nguyen: Après votre récent entretien avec l’avocat Dang Dinh Manh, quelles mesures allez-vous prendre ? Avez-vous contacté l’ambassade de Suisse et sera-t-elle représentée comme observatrice au prochain procès?

 
-Sébastien Desfayes: C‘est une très bonne question, car M. Manh a également souligné l’importance d’avoir des observateurs indépendants présents au procès. Après notre appel avec M. Manh, Cosunam a immédiatement contacté le Ministère des Affaires étrangères suisses et lui a présenté la situation. Le ministère fédéral suisse des Affaires étrangères nous a donné réponse dans les 48 heures, montrant ainsi sa préoccupation de cet événement. L’ambassade de Suisse à Hanoï a été informée de ce cas et la Suisse, au niveau national, suivait de très près la procès Dong Tam. On nous a également rapporté que l’ambassade suisse partage ces informations entre plusieurs ambassades au Vietnam et qu’elle a également avisé le gouvernement vietnamien de ses profondes préoccupations.
Bien entendu, programmer ce procès si rapidement pour une durée très courte est également un moyen d’éviter que trop d’observateurs indépendants ne soient présents à ce procès.

-Giang Nguyen: Alors Hanoi a-t-elle donné une réponse?

 
-Sébastien Desfayes: Non, pour autant que je sache, il n’y a pas eu de réponse. Vous vous souvenez, l’année dernière, en octobre 2020, nous avons eu une pétition internationale avec plus de 100 signataires que nous avons soumis en mains propres au consulat du Vietnam à Genève. Bien qu’elles n’aient pas reconnu avoir reçu notre pétition, nous sommes fermement convaincus que la pétition n’a pas seulement été étudiée par les autorités vietnamiennes, mais qu’elle a également impliqué des effets positifs.
Le dernier point que je veux faire valoir est que j’ai demandé au Barreau de Genève ODAGE d’intervenir dans cette affaire, par exemple en exprimant publiquement mes inquiétudes sur la question de Đồng Tâm. J’espère donc que le Barreau de Genève interviendra également sur cette question importante.

 
Interview de Sébastien Desfayes par RFA Radio Free Asia
 

 

Une conception à la chinoise des droits de l’homme
Le Vietnam postule pour un siège au Conseil des Droits de l’homme des Nations-Unies

 

 

M. Pham Binh Minh, qui dirige la délégation vietnamienne à une récente session du Conseil des Droits de l’homme des Nations-unies, a enfoncé des portes ouvertes en déclarant que la pandémie actuelle de Covid-19 a tué des millions de personnes et affecté des milliards d’autres, pesant sur les systèmes de sécurité médicale et sociale des pays et affectant les droits de l’homme.
En affirmant que la meilleure façon de garantir les droits de l’homme est d’assurer la sécurité de la société au milieu de la pandémie, il a souligné la politique, les efforts et les réalisations du Vietnam à l’exemple de la Chine en matière de protection et de promotion des droits de l’homme dans la lutte contre la pandémie et le maintien de la croissance économique. Une drôle de conception à la chinoise des droits de l’homme que les premiers lanceurs d’alerte de Wuhan et les pro-démocrates de Hong Kong apprécieront ?

Remerciements familles PdC

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