Justice pour Dông Tâm

Appel de la communauté internationale pour une véritable justice

Ce drame a été évoqué dans nos précédentes éditions. Lê Dinh Kinh, le patriarche de 80 ans du village de Dông Tâm, ancien membre du Parti, a été sauvagement abattu. Sa famille dispersée et emprisonnée. La véritable justice était totalement absente dans ce drame national. Une parodie de procès a eu lieu en septembre dans le pur style stalinien avec menaces sur témoins, intimidations aux avocats et extorsion d’aveux aux 29 accusés.
Pour un pays qui se proclame démocratique, avide de reconnaissance et d’investissements internationaux, la sentence de deux peines de mort et plus d’une centaine d’années de prison saupoudrée sur les 27 autres villageois passe mal auprès de l’opinion suisse et internationale.


Une démarche volontaire et pacifique

Sébastien Desfayes et Jean-Marc Comte devant le consulat du Vietnam à Genève le 27 octobre 2020

 
En date du 27 octobre 2020, à Genève, une délégation du Comité Suisse Vietnam COSUNAM s’est constituée afin de se rendre au Consulat du Vietnam, 30 rue des Corbillettes au Grand- Saconnex à Genève.
Conduite par Sébastien Desfayes, avocat et président du Cosunam, la délégation comprenait Jean-Marc Comte, ancien maire du Grand-Saconnex et Pascale Berry-Wavre, épouse de feu Rolin Wavre.

A 09h 45 exactement, ils se sont présentés dans les locaux et ont demandé à rencontrer le consul en personne afin de lui remettre un exemplaire de la lettre ouverte datée du 8 octobre et intitulée JUSTICE POUR DÔNG TAM adressée au 1er ministre du Vietnam Nguyen Xuân Phuc.

Cette lettre ouverte a été cosignée par une centaine de personnalités de la vie civile et du monde politique et religieux et des ONG des droits de l’homme en Europe et dans le monde grâce aux démarches de nos membres et de nos correspondants. En Suisse, quelques 26 éminentes personnalités politiques et de la vie civile l’ont paraphée (voir liste ci-dessous)

La lettre proteste contre les peines infligées aux 29 accusés et villageois de Dong Tâm lors du 1er procès de septembre. Elle demande pour le procès en appel à venir l’application d’une justice équitable , indépendante et conforme aux normes internationales que le Vietnam a signées en son temps.

A 10h15, les membres de la délégation sont sortis de l’enceinte du Consulat après avoir remis la lettre et obtenu un récépissé en bonne et due forme. Ils ont ensuite répondu aux questions de l’interview sur place.

Cette remise directe d’une pétition auprès des représentants diplomatiques du Vietnam en Suisse est la troisième intervention du Cosunam ces dernières années en faveur des dissidents injustement condamnés. Elle souhaite interpeller pacifiquement la conscience des représentants du régime et apporter un soutien moral aux inculpés et à leurs défenseurs. Les précédentes actions en 2014 et 2017 avaient été menées par Michel Rossetti, ancien maire de Genève, Jean-Marc Comte et nos regrettés membres, les députés Anne Marie von Arx et Rolin Wavre.

Le Comité Suisse-Vietnam exprime ses vifs remerciements aux personnalités suisses, amis , activistes et sympathisants qui nous ont exprimé leur soutien.

Cliquez ici pour visionner le reportage et les interviews de la délégation

https://youtu.be/WJPbDb3hxlc


 
La lettre ouverte du 8 octobre 2020 adressée au Premier ministre vietnamien Nguyen Xuân Phuc

Monsieur le Premier Ministre,

Nous vous écrivons pour exprimer nos graves préoccupations concernant le procès des citoyens de Dong Tam, qui s’est déroulé au Vietnam du 7 au 14 septembre.
Avant le début du procès le 3 septembre, 13 avocats de la défense ont demandé par écrit au juge de reporter le procès et de rouvrir l’enquête. Leur lettre de sept pages indique des éléments peu clairs et contradictoires dans le dossier d’enquête.
Tout au long du procès, les droits de la défense, y compris les droits et privilèges des avocats de la défense, n’ont pas été respectés, comme le prévoit pourtant l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel le Vietnam a adhéré en 1982. Voici un quelques exemples:

-Les avocats de la défense n’avaient pas accès à leurs clients jusqu’à la de l’enquête, et par la suite uniquement en présence des gardiens de prison, violant le principe de la confidentialité avocat-client.
-Les avocats de la défense n’ont pu consulter les dossiers que quelques jours avant le procès, et seulement après l’intervention du Barreau de Hanoï pour demander cet accès.
-Les avocats de la défense ont été empêchés de discuter avec leurs clients pendant les procédures judiciaires, sauf pendant le deuxième jour du procès
-Les familles des accusés n’ont pas pu assister au procès
-La diffusion en début de procès d’un film “documentaire” produit par le ministère de la Sécurité publique, tendant à démontrer la culpabilité des accusés.
-19 des 29 accusés ont déclaré avoir été torturés pour obtenir des aveux forcés. L’intimidation et le harcèlement perpétrés par des membres de la sécurité publique contre certains avocats de la défense à l’intérieur et à l’extérieur du tribunal de Hanoï
-Le refus du tribunal d’appeler certains témoins à la barre demandée par les avocats de la défense
-Aucune reconstitution des événements n’a été faite pour lever les incertitudes et faire la lumière sur les circonstances du décès de M. Le Dinh Kinh et des 3 policiers.
-Les reporters de la presse indépendante vietnamienne et les journalistes étrangers ont été tenus à l’écart des débats, violant le principe fondamental de la publicité des débats.

Le droit d’accès à un avocat et les garanties en matière de justice pénale sont également inscrits dans les Principes de base des Nations Unies sur le rôle de l’avocat (Principes de base).
Les prévenus qui ont été condamnés aux peines les plus sévères (peine de mort, réclusion à perpétuité, longues années de prison) ont décidé de faire appel. Au vu de toutes ces irrégularités, nous vous demandons de respecter pleinement les droits de la défense avant, pendant et après la procédure d’appel, dans le plein respect de l’article 14 du Pacte et des Principes fondamentaux.

Condamner des personnes à la peine de mort dans ces conditions n’est pas acceptable, d’autant plus que depuis le dernier examen périodique universel en 2019, de nombreux pays ont appelé le Vietnam à abolir la peine de mort.

Le développement durable du Vietnam ne peut se faire sans une justice indépendante et impartiale

Signatures internationales

Représentants politiques

M. Vincent Maître, Avocat, Conseiller National Genevois,
Mme Delphine Bachmann, Députée Genevoise, Présidente du parti Démocrate-Chrétien,
Mme Patricia Bidaux-Rodriguez, Députée Genevoise,
Mme Natacha Buffet-Desfayes, Députée Genevois,
M. Jean-Luc von Arx, Conseiller municipal de Genève,
M. Sébastien Desfayes, Député Genevois,
Mme Alia Chaker Mangeat, Avocate, Conseillère municipale de Genève,
Mme Claude Bocquet-Thonney, Députée Genevoise,
M. Jean-Marc Guinchard, Député Genevois,
M Alexandre Cipolla, Député Valaisan,
Mme Christina Meissner, Députée Genevoise,
M. Souheil Sayegh, Député Genevois,
M. Alexandre de Senarclens, Député Genevois,
M. Philippe Schwarm, Conseiller administratif de Pregny-Chambésy, Suisse

M. Martin Patzelt, Député Fédéral, Allemagne , Mme Anna Cavazzini, Députée Européenne, Allemagne
M. Michael Gahler, Député Européen, Allemagne,Mme Jutta Paulus, Députée Européenne, Allemagne
M. Ingo Röthlingshöfer, Maire de Neustadt, Allemagne,

Hon. Chris Hayes, Député fédéral, Vice-président de la Sous-commission des droits de l’homme, Australie
Hon. Julian Hill, Député fédéral, Vice-président de la Commission sur les Comptes Publics et de l’Audit, Australie
Hon. Luke Donnellan, ministre de la Protection de l’Enfance, Australie,
Dr Tien Dung Kieu, MLC, Membre du Conseil Législatif de l’état de Victoria, Australie

Mme Maria Arena, Députée Européenne, Présidente de la Sous-Commission des Droits de l’Homme, Belgique
Mme Saskia Bricmont, Députée Européenne, Belgique, Mme Frédérique Ries, Députée Européenne, Belgique
M. Ernest Urtasun, Député Européen, Espagne,
Mme Alviina Alametsä, Deputée Européenne, Finlande
Mme Heidi Hautala, Députée Européenne, Finlande,
M. Brando Benifei, Député Européen, Italie,

Organisations et ONG Internationales

Comité Suisse-Vietnam Suisse, Jean-Marc Comte, Vice-Président
ACAT Suisse (Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture et de la peine de mort), M. Dominique Joris
ACAT Belgique, Mme Cécile Auriol, Membre du Comité de Direction
ACAT Allemagne, M. Christoph Schürhaus
ACAT France, Mme Nathalie Seff, Déléguée Générale,
ASIE, ARTICLE 19, M. Matthew Bugher, Responsable des Programmes
Bau Bi Tuong Than Association , M. Nguyen Le Hung,
Club des Journalistes Libres du Vietnam, M. Nguyen Van Hai,
Destination Justice, Mme Doreen Chen, Présidente,
Foundation Friedliche Revolution , Mme Liane Plotzitzka, Comité Exécutif,
Fraternité pour la Démocratie au Vietnam , M.Nguyen Van Dai, Président, German Doctors, Bieberach, Allemagne Dr Uta Kölle,
Lawyers for Lawyers, Pays-Bas, Mme Sophie de Graaf, Directrice,
Lawyers’ Rights Watch Canada, Canada, Mme Catherine Morris, Directrice Exécutive,
Globalt Fokus, Danemark, Mme Sara Brandt, Conseillère politique,
Safeguard Defenders, EspagneM. Peter Dahlin, Directeur,
Reporters sans frontières, France, M. Christophe Deloire, Secrétaire Général,
Viet Tan, M. Do Hoang Diem, Président,
Watchdogs Unleashed, France, M. Benjamin Ismaïl,

Personnalités de la société Civile

M. François Longchamp, ancien Conseiller d’Etat genevois,
M. Michel Rossetti, ancien Maire de Genève,
M. Marcel Monney, ancien Maire Grand-Saconnex,
Mme Elizabeth Boehler-Goodship, ancien Maire Grand-Saconnex,
M. Bernard Favre, membre du Cosunam,
Mme Pascale Berry-Wavre, membre du Cosunam,
M. Michel Goenczy, fonctionnaire,
M. Philippe Souaille, journaliste,
M. Ali Benouari, ancien Ministre algérien, M. Bertrand Staempli, ancien porte-parole de Genève Aéroport,
M. Pierre Martin-Achard, avocat


Si peu de choses


Bernard Favre, nouveau membre du bureau du Cosunam
 
Il n’y a pas de différence entre le combat mené pour la démocratie et la liberté au Vietnam, et celui mené ici-même, en Europe. Il y a la distance, bien sûr. Il y a ces noms que nous ne parvenons pas toujours à prononcer, et qui renforcent un sentiment d’éloignement, d’étrangeté. Mais avant toute chose, il y a la conviction que ce combat est légitime. Et impérieux.

L’action menée par le Cosunam, le soutien des signataires à la pétition adressée au Consulat, peuvent paraître dérisoires. Que peuvent des signatures contre une tyrannie ? Que peut la bonne foi contre la dictature ?
Ne vous y trompez pas : ce peu de choses est énorme. Ces signatures apportent d’abord à celles et ceux que nous soutenons le réconfort de se savoir entendus. La conviction de n’être pas seuls. Cette foi peut ébranler des montagnes, changer un monde. Elle aide en tous cas à rester debout.

Ce peu de choses est énorme aussi pour les autorités qui reçoivent ces courriers. Elles sont ainsi contraintes d’admettre que le monde n’est pas naïf. Que la distance et les frontières n’effacent pas la honte de leurs crimes. Et les dissuader d’en commettre encore plus, d’encore pires. Les bien-pensants diront sans doute qu’il faut « contextualiser », « accepter qu’il existe des modèles différents », que « tous les pays ne sont pas mûrs pour la démocratie », qu’il faut « éviter la caricature sur certains sujets ». Ils ont tort.

Résister, c’est parfois si peu de choses. Une signature au bas d’une lettre de protestation. Publier une caricature. Donner un cours sur la liberté d’expression dans une école, en France. Peu de choses ? Vraiment ? Un prof vient de se faire assassiner pour cela, en France. Un autre vient d’être suspendu par la direction de son établissement en Belgique pour la même chose. La peur et la censure gagnent du terrain. Il est donc impératif de poursuivre la mobilisation, au Vietnam et en Europe. Car la liberté, ça se joue à très peu de choses.


« Une grande figure de la dissidence » 

« Je ne veux pas la liberté pour moi-même, ce serait trop facile. Non, je veux quelque chose de plus grand, la liberté pour le Vietnam. »
 
La dissidente Pham Doan Trang, 42 ans, journaliste et écrivaine, militante pour la liberté de la presse , des droits civils et de la cause des paysans victimes d’expropriation, a été arrêtée le 7 octobre dernier.

Dans la sphère dissidente vietnamienne, « Pham Doan Trang est une des grandes figures dans la lutte pour les droits de l’Homme au Vietnam », décrit Ming Yu Hah d’Amnesty International, qui a appelé à « sa libération immédiate ». À ses yeux, « elle a inspiré depuis des années un grand nombre de jeunes militants afin de dénoncer les abus contre les libertés et appeler à un Vietnam libre ». D’autres organisations non gouvernementales comme Human Rights Watch, ACAT l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, Reporters sans frontières (RSF) ou l’Union internationale des éditeurs qui avait décerné le prix Voltaire 2020 à sa maison d’édition Liberal Publishing House (fondée en 2019), ont appelé à sa libération.

En 2019, Pham doan Trang s’était engagée publiquement pour la défense des villageois de Dông Tâm. D’autres lanceurs d’alerte sur le drame de ce village comme la famille Trinh Ba Phuong ont été aussi emprisonnés en juin 2020 ( voir notre précédente édition). L’écrivaine vietnamienne risque une peine de 20 ans de prison, peine maximale pour « opposition à l’État ».


 

Remerciements familles PdC

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