Mille ans de
domination chinoise Au 2ème siècle avant notre ère, la dynastie chinoise des Han impose sa
puissance au pays et le divise en trois commanderies, dirigées par des
"mandarins" locaux. Loccupation étant très souple, le Tonkin importe du
Grand Empire les techniques de riziculture et dhydraulique pour lutter contre les
caprices du Fleuve Rouge, tandis que lintelligentsia adopte lécriture, les
sciences, la médecine et les grands courants philosophiques de lEmpire du Milieu :
Confucianisme, Taoïsme et, peu après, Bouddhisme.
Au 1er siècle éclate la révolte du peuple
vietnamien contre loccupant, dirigée par les surs Trung, les "Jeanne
dArc du Viêt Nam". Mais peu de temps après, la révolte des surs Trung
est matée et les troupes chinoises réinstallent leur domination. Les Tang qui prennent
le pouvoir en Chine en 618 renforcent cette domination en instaurant un solide appareil
colonial.
Parallèlement se constituent, suite au développement de
relations maritimes entre la péninsule indochinoise et le monde indien, divers petits
royaumes indianisés, tel le Champa (Centre Viêt Nam) et le Fou-Nan (Sud Viêt Nam).
La marche
vers lindépendance
A la chute des Tang en 907, les troubles en Chine offrent aux
Vietnamiens loccasion de saffranchir de la tutelle chinoise. En 939, le
général Ngô Quyên vainc les troupes chinoises et instaure pour la première fois
lindépendance du Viêt Nam. Cependant, les seigneurs locaux du Viêt Nam se livrent
à une guerre intestine jusquen 967. A cette époque, cest la dynastie de Song
qui règne en Chine. Les Song se désintéressent de ce pays appelé "au-delà du
Sud". En 968, le premier empereur Dinh Tiên Hoang crée le Dai-Viêt, première
appellation du pays. Hanoi est alors fondée, le palais du souverain comporte quatre
étages sculptés de dragons et de cigognes peints en orange et laqués, avec des sols
dallés de terre cuite ornementés danimaux et de paysages.

Lécriture de la langue
vietnamienne
Le vietnamien est une langue monosyllabique et tonale. La
prononciation et laccentuation ont une importance primordiale: le même mot prend
différentes signfications selon son accent.
La longue influence chinoise explique que de nombreux mots
chinois se soient incorporés au vietnamien. Cette domination sest insinuée jusque
dans lutilisation des caractères chinois, appelés "chu nho"
(sino-vietnamien).
La tentative de lettrés vietnamiens de créer une écriture
vietnamienne ne fut pas couronnée de succès. Au XIIIème siècle, le poète Nguyên
Thuyên, systématisa les diverses tentatives de ses prédécesseurs et établit une
écriture mi-idéographique, mi-phonétique, le "chu nôm" (caractères
démotiques), qui est encore plus compliqué que le chinois.
Le père jésuite Alexandre de Rhodes est à lorigine de la
romanisation phonétique de la langue. Il apprit rapidement le vietnamien et publia en
1651 le premier Dictionnaire vietnamien, portugais et latin en "quoc ngu".
Cette transcription de la langue vietnamienne dans nos
caractères alphabétiques, avec les cinq accents pour traduire les nuances, fut
dabord utilisée par lEglise catholique et devint ensuite la langue nationale
de tout le pays.
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Le
"quoc ngu", résultat de la romanisation phonétique de la langue:
Durant les cent ans qui limite la vie humaine
Comme la Talent de la Destinée excelllent à sexclure (à se haïr)
A travers les changements des mers en champs de mûriers,
On voit tant de spectales qui attristent le coeur...
(Kim Van Kieu), traduction D.-H. Long |

Dès 980, la dynastie des
Dinh est remplacée par celle des Lê (908-1009). Les Lê sont renversés par les Ly qui
prennent le pouvoir de 1010 à 1225. Les empereurs Ly sengagent dans une campagne de
conquête des terres du Centre et du Sud, au détriment des royaumes de Champa qui doivent
fuir vers le delta du Mékong, en pays Khmer. Lhéroïque dynastie des Trân
(1225-1400) réussit le tour de force de chasser les envahisseurs mongols par trois fois,
alors que les Chinois ny étaient pas parvenus.
En 1400, un haut dignitaire, Hô Quy Ly, sempare du trône
sous prétexte de rétablir la dynastie impériale et se place sous lautorité
chinoise des Ming (1360-1644), qui réoccupent le pays. Mais le Viêt Nam prend ses
distances géographiques avec la Chine par suite du transfert de la capitale de
lEmpire Céleste de Nankin à Pékin. La lutte sorganise pour chasser
loccupant, les généraux prennent la tête de la révolte, et un chef de bande
audacieux, Lê Loi, fonde en 1428 la dynastie des Lê postérieurs, qui restera sur le
trône jusquen 1789.
Le XVIème siècle est troublé par de nombreuses jacqueries, le
pays est déstabilisé à la suite de la progression des Viêts vers le Sud. Une rivalité
oppose les Trinh, seigneurs du Nord, aux Nguyên, seigneurs du Sud, de part et
dautre du 17ème parallèle.
En 1672, les Trinh et les Nguyên font enfin la paix. Les Nguyên
transfèrent leur capitale à Huê en 1687 et entrouvent le pays à lOccident.
Déjà se créent les comptoirs commerciaux ; Portugais, Chinois, Japonais, et
Hollandais se succèdent sur les petits ports bien abrités le long de la côte, comme
Hôi An, tandis que les missionnaires commencent lévangélisation du pays.
La formation du Viêt Nam
moderne
En 1771, profitant des transformations sociales, trois frères
habitant dans le village de Tây Son, après un détournement des impôts collectés,
provoquent une grande vague de protestation à travers tout le pays. Très habilement, ils
chassent les Nguyên et les Trinh, montent sur le trône des Lê, puis se font expulser
par les Nguyên en 1801. Ces derniers avaient trouvé appui auprès des missionnaires
français dès 1783, ainsi quauprès des Français dInde et des Chinois de
Macao.
Le prince Nguyên Anh, qui réussit à reconquérir
lintégralité de son territoire, entre à Huê en 1801 et se proclame empereur
lannée suivante sous le nom de Gia Long. La famille des Nguyên (1802-1945)
constituera, dès 1804, un Etat unitaire nommé Viêt Nam, avec des frontières semblables
à celles daujourdhui.
Le règne des empereurs de la dynastie des Nguyên
Gia Long 1802-1819.
Vainqueur des usurpateurs Tây Son. Réussit à unifier lAnnam. Nomme son empire
Viêt Nam. Fondateur de la dynastie Nguyên.
Minh Mang 1820-1840.
Politique anti-européenne et anti-chrétienne. Réglemente les études et fait exécuter
des travaux dutilité publique. Aurait eu 142 enfants. Etablit la monarchie absolue.
Thiêu Tri 1841-1847.
Hostile à lOccident. Détruit tous les objets dorigine européenne à
lintérieur de son palais. Le Cambodge lui cède la Cochinchine en 1845. A eu 64
enfants.
Tu Duc 1848-1883.
Pratique une politique anti-religieuse. Cède la Cochinchine à la France puis
sallie à la Chine pour chasser les Français du Tonkin. Poète, auteur de divers
ouvrages en langue chinoise.
Duc Duc 1883.
Neveu de Tu Duc. A régné 3 jours. Condamné par la cour de Huê pour ne pas avoir suivi
les prescriptions rituelles " du deuil et du jeûne ".
Hiêp Hoa 1883.
Fils de Triêu Tri. A été empoisonné par une de ses concubines, après quatre mois de
règne.
Kiên Phuc 1883-1884.
Fils adoptif du Tu Duc. Ne pouvant régler le problème de la piraterie, se fait
déposséder du Tonkin par la France.
Ham Nghi 1884-1885.
Frère de Kiên Phuc. Déchu du trône, il erre pendant 3 ans dans la région de Thanh
Hoa. Exilé en Algérie, en 1888, sous le nom de " prince
dAnnam ".
Dông Khanh 1885-1889.
Neveu et fils adoptif de Tu Duc. Son pouvoir est supplanté par lautorité du
gouvernement.
Thanh Thai 1889-1907.
Fils de Duc Duc. Déposé par décision du gouvernement français, puis exilé à la
Réunion. Retourne au Viêt Nam en 1907.
Duy Tan 1907-1916.
Fils de Thanh Thai. Déclenche un soulèvement contre la France en 1916. Le complot
échoue. Il est déporté à la Réunion et se place au service de la France en 1945.
Meurt dans un accident davion. Retour de ses cendres au Viêt Nam en 1987.
Khai Dinh 1916-1925.
Fils de Dong Khanh. A supprimé le concours des Lettrés instauré par les Chinois.
Bao Dai 1925-1945.
Fils unique de Khai Dinh. Abdique en 1945 pour sinstaller à Hong Kong. La France
lappelle en 1948. Doit quitter le Viêt Nam en 1955. A vécu en France. Etait
détenteur du sceau impérial jusquà son décès en juillet 1997 à Paris.

Lintervention de la France et les incertitudes coloniales
Gia Long disparaît en 1820. Il avait su tirer parti de ses
relations avec la France tout en sauvegardant lindépendance de son pays. Son
successeur Minh Mang (1820-1841), fin lettré, investi des fonctions que lui impose le
"mandat du Ciel", sisole dans un conservatisme qui entrave les visées
hégémoniques européennes. Son sucesseur, Thiêu Tri (1841-1847), pratique la même
politique qui consiste à refermer le pays sur lui-même. La France, en 1847, lance alors
une expédition militaire contre les forces impériales dans la baie de Tourane
(Danang) : lère coloniale est ouverte.
En deux décennies, après la prise de Saigon en 1857, tout le
delta du Mékong et les provinces du Sud sont conquis. La Cochinchine devient colonie
française en 1862. Un sort différent est réservé au Centre et au Nord où, dès 1883,
sont créés les protectorats dAnnam et du Tonkin. Sy ajoutent le Laos et le
Cambodge pour constituer lUnion Indochinoise en 1893. La mise en valeur du pays
commence avec Paul Doumer (18961902), gouverneur général de lIndochine qui,
selon la Constitution, cumule tous les pouvoirs: politique, administratif et militaire.
Une réforme de lenseignement permet le recrutement de petits fonctionnaires et
lémergence dune nouvelle intelligentsia vietnamienne qui ne tarde pas à
exprimer des velléités de révolte jusquà lobtention de
lindépendance. |