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VIET NAM infos numéro 36 - 15 mai 2006

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Hô Chi Minh, le détournement du patriotisme

Jean-François Revel (*)

Hô Chi Minh aurait pu être le héros fondateur d’un Viêt-Nam moderne et démocratique, l’homme qui aurait guidé son pays à la fois hors de la subordination coloniale et vers la civilisation contemporaine, une synthèse des traditions et d’une nouvelle identité nationale.

Malheureusement, son objectif n’était pas l’indépendance du Viêt-Nam, c’était son intégration à l’internationale communiste. Ce n’était pas de donner au peuple le droit de se déterminer, de voter, de choisir ses dirigeants, ses lois et sa manière de vivre ; c’était de lui imposer par la contrainte, le totalitarisme stalinien, avec toutes ses composantes : les exécutions sommaires, les camps de concentration, la dégradation de l’homme par la « rééducation », la famine des masses et la corruption des chefs (…).

Hô Chi Minh fut aussi l’un des plus implacables praticiens d’une méthode que le communisme a utilisée tout le long du vingtième siècle. Cette méthode consiste à capter l’énergie contenue dans les désirs naturels des hommes, désir de liberté, de prospérité, de progrès, d’indépendance nationale, pour détourner cette énergie au service de buts qui constituent le contraire exact de ceux espérés et poursuivis par les populations abusées. Lorsque ces populations s’aperçoivent de la supercherie, il est trop tard, elles sont prisonnières, le pouvoir totalitaire est constitué, la cage est fermée. Rien de plus diaboliquement pervers que cette captation de sentiments généreux et de dévouements innombrables, des élans les plus profonds et les plus légitimes de la nature humaine, au bénéfice de la servitude, de la misère, de l’humiliation et aussi du crime pur et simple ; puisque, n’oublions pas, le système communiste est l’un des plus meurtriers de toute l’histoire, peut-être même le plus meurtrier, puisque nul autre n’a régné simultanément sur autant de pays ; Aux alentours de 1980, plus de deux milliards d’ hommes étaient encore asservis à ce système aussi barbare et destructeur que stupidement inefficace.

S’appuyer sur le désir de liberté pour asservir, telle est la méthode Hô Chi Minh, très fidèlement copiée sur celle du sinistre Lénine. Elle a fait des ravages ailleurs : au Cambodge, en Ethiopie, au Mozambique, en Algérie, à Cuba, en Angola. Derrière une guerre de libération, un combat pour l’égalité des droits, dont les troupes sont sincères, peut se cacher un complot de chefs contre la liberté et les droits de l’homme.

Hô Chi Minh croyait-il honnêtement aux bienfaits futurs du communisme ? J’en doute, puisqu’il l’avait vu fonctionner dans d’autres pays. Idéologue et fanatique, il ne se posait probablement même plus la question ; et, comme tous les dirigeants totalitaires, il avait la faculté de garder bonne conscience, tout en constatant les ravages du système auquel il avait fait le sacrifice de son intelligence. L’histoire est le résultat non des intentions des hommes, mais de leurs actions. Or les résultats sont là : la servitude, le sang, la mort et la famine. Avoir confisqué la lutte anticoloniale pour aboutir à ce champ de ruines ne constitue nullement une excuse. Au contraire, c’est une circonstance aggravante, un vol, une escroquerie.

(Ho Chi Minh, l’homme et son héritage, DUONG MOI LA Voie Nouvelle, Paris, mai 1990)
(*) Ecrivain et philosophe, J-F Revel nous a quittés le 30 avril 2006, à l’âge de 82 ans. 

Bui Xuan Quang