A l'étranger comme au Vietnam, Hanoi agit ouvertement contre les opposants du régime

Crise diplomatique entre Hanoi et Berlin

En date du 2 août 2017, le ministère allemand des Affaires étrangères a accusé officiellement le Vietnam d'avoir orchestré l'enlèvement d'un demandeur d'asile vietnamien à Berlin et de l'avoir ramené de force dans son pays, où il fait l'objet de poursuites.

Berlin affirme ne plus avoir de doutes quant à la participation des services secrets vietnamiens de Hanoi au rapt de Trinh Xuan Thanh, ancien haut cadre du Parti communiste vietnamien.

Un épisode qui rappelle les pires moments de la guerre froide

Berlin, fin juillet 2017, un matin d’été. Un homme se promène en compagnie  d'une femme dans le parc de Tiergarten, non loin de la chancellerie, lorsque, soudain, des individus armés surgissent, leur administrent des coups et les engouffrent de force dans une voiture immatriculée en République tchèque, avant de prendre la fuite à toute allure. Des témoins assistent à la scène. Une scène de la guerre froide des années cinquante ? Non, l’histoire bien réelle de Trinh Xuan Thanh, naguère député vietnamien, kidnappé dimanche 23 juillet au cœur même de la capitale allemande. Une histoire qui provoque encore aujourd’hui une grave crise diplomatique entre Berlin et Hanoï.

Car le gouvernement allemand en est désormais convaincu après une enquête approfondie: « Il n’y a plus le moindre doute sur le fait que les services secrets vietnamiens et l’ambassade du Vietnam à Berlin ont participé à cet enlèvement », a affirmé, le 2 août, le porte-parole du ministère des affaires étrangères. A ce jour, les autorités vietnamiennes ont réagi en rejetant ces accusations et proclamant que son citoyen était revenu au Vietnam de son plein gré pour assumer ses responsabilités.

Qui est Trinh xuan Thanh ?

Agé de 51 ans, Trinh Xuan Thanh s’était installé à Berlin il y a quelques mois. Ancien cadre du Parti communiste au pouvoir au Vietnam, ancien membre du Parlement, il était récemment tombé en disgrâce, accusé notamment d’avoir fait perdre 125 millions d’euros à la société publique d’hydrocarbures (PVC), dont il était le président.

Poursuivi par la justice de son pays, détenteur de secrets de corruption massive d'Etat dont il menaçait de révéler les dessous, il avait pensé refaire sa vie en Allemagne, où il avait déjà vécu dans les années 1990. Lundi 24 juillet, il avait d’ailleurs rendez-vous dans les bureaux berlinois de l’Office fédéral des migrations et des réfugiés, où sa demande d’asile devait être étudiée. Ce jour-là, l’un de ses avocats s’était étonné de son absence.  

Le lundi 31 juillet, une semaine après sa disparition, Trinh Xuan Thanh est réapparu au Vietnam. Un journal vietnamien officiel annonçait qu’il était de retour dans son pays de son plein gré. Une version bien sûr totalement contestée par ses avocats allemands. « Jamais il ne se serait rendu librement aux autorités vietnamiennes. Il savait que, pour des raisons politiques, il ne serait pas traité selon les règles du droit », ont-ils déclaré à plusieurs médias.

Pour le ministre allemand des affaires étrangères, Sigmar Gabriel, c'est "une atteinte flagrante et sans précédent aux lois allemandes et au droit international"

Le gouvernement allemand a fait savoir à l’ambassadeur du Vietnam à Berlin qu’il « exigeait que Trinh Xuan Thanh puisse revenir sans délai » en Allemagne et assurait  être prêt à « tirer toutes les conséquences politiques et économiques » de cette « procédure inacceptable ». Berlin a déclaré le responsable des services secrets de l’ambassade comme « persona non grata » et l'a expulsé en quarante-huit heures.

A l'heure où nous publions ces lignes, face aux dénis et atermoiements de Hanoi, l'Allemagne a déjà pris les mesures supplémentaires suivantes : suspension de certains accords commerciaux, expulsion d'un second diplomate de l'ambassade vietnamienne,  licenciement d'un fonctionnaire d'origine vietnamienne proche de Hanoi et soupçonné de trafic d'influence, gel des visas d'entrée en Allemagne.

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L'éclairage par Dang Xuong Hung, ancien consul du Vietnam à Genève, réfugié politique en Suisse en 2014.

" C'est bien sûr une énorme crise de relations diplomatiques entre l'Allemagne et le Vietnam. Cette crise devient de plus en plus grave en raison de l'attitude délibérément obstructive de Hanoi ignorant les revendications du côté allemand.

Dès le début, l'Allemagne a évalué la question comme très grave: violation de la souveraineté nationale allemande, violation du droit international, créant un précédent dangereux menaçant les opposants réfugiés en Allemagne.

Malgré la gravité des faits, l'Allemagne a donné au début de cette affaire une sortie diplomatique honorable à Hanoi : expulser uniquement l'officier du renseignement dans l'ambassade vietnamienne et faire revenir  Trinh xuan Thanh en Allemagne. 

Les sanctions se sont seulement aggravées lorsque la partie allemande a reçu une réponse inappropriée du ministre vietnamien des Affaires étrangères Pham Binh Minh réaffirmant envers et contre tout  le retour " volontaire" de Trinh Xuan Thanh au Vietnam. 

Une affaire à l'image du régime 

" Dorénavant, l'image du terrorisme international sera liée au régime au Vietnam.

Le dossier de Trinh Xuan Thanh sera certainement à l'ordre du jour lors de l'Examen périodique universel des droits humains (UPR) de l'EPU, qui aura lieu en 2018 à Genève.

Les mesures punitives de l'Allemagne augmenteront progressivement en fonction de la non-réactivité du VN. L'accord de libre-échange Vietnam-UE est susceptible d'être affecté. Le député allemand Bernd Lange a parlé lors d'une conférence de presse à Hanoi le 15 septembre. "Les droits de l'homme sont une question centrale dans les négociations commerciales entre le Vietnam et l'UE-UE". La France, L'Italie, la Hollande, la Suède ont déjà ouvertement soutenu la position de l'Allemagne dans ce dossier.

Cette affaire est un désastre pour la diplomatie et les affaires étrangères vietnamiennes. Plus que jamais, elle démontre qu'au Vietnam, ce sont les caciques du parti communiste et leurs relais comme la police et les forces de sécurité qui tiennent le haut du pavé. Porter atteinte à leurs intérêts économiques et financiers est une menace qui justifie tous les moyens."

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À Phnom Penh, au Cambodge, des individus ont attaqué quatre militants vietnamiens de l'opposition non-violente, dont un dirigeant de Viet Tan.

Agression à l'acide contre un leader de l'opposition pacifique

Le 2 septembre 2017 vers 22 heures, à Pnom Penh au Cambodge, des individus présumés être des agents de sécurité vietnamiens roulant sur des motos ont jeté de l’acide sur quatre personnes alors qu’elles marchaient dans la rue. Nguyen Ngoc Duc, membre de Viet Tan, mouvement d'opposition non-violente, a été blessé et transporté en France pour traitement médical. Il est actuellement dans un état stable. 

Nguyen Ngoc Duc, né en 1955, est un ingénieur informaticien basé en France. Membre de Viet Tan de longue date, il a eu l'occasion de venir plusieurs fois en Suisse dans le cadre de l'Alliance Vietnam Liberté à l'invitation du Cosunam et de nombreux amis suisses dont Michel Rossetti, ancien maire de Genève,

Par la voix de son président Rolin Wavre, le Cosunam a adressé ses meilleurs voeux de rétablissement à Nguyen Ngoc Duc et à sa famille.

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Jusque où les autorités vietnamiennes iront-elles ?

 

Rolin Wavre, président du Cosunam 

Ce bulletin est plutôt sombre : les répressions des autorités vietnamiennes, sous la direction du Parti unique, se sont encore accrues. Une nouveauté : les abus ont été commis à l’étranger et de manière spectaculaire. Attaque à l’acide à Pnom Penh, enlèvement en plein Berlin : un nouveau pas a été franchi. Au Vietnam même, la répression continue avec une vingtaine d'arrestations ou départs forcés de défenseurs des droits humains depuis le début 2017, dans un climat de peur. Le parti unique (mais on devrait plutôt parler du parti inique) semble paniquer. Jusqu'à quand les autorités allemandes vont-elles accepter ces crimes se dérouler sous leur nez ? Il est temps que ceux qui les ordonnent, les exécutent ou en profitent passent à la caisse.

Voici un aperçu des victimes de la répression en cours contre la liberté d’expression au Vietnam en 2017. Nous ne les oublions pas.