Si depuis le début de la crise en avril 2016, dans les provinces touchées par la catastrophe, des personnalités comme les prêtres Dang Huu Nam et Nguyen Dinh Thuc se sont engagées en 1ère ligne à côté de leurs paroissiens pour défendre leurs droits, c'est récemment que le clergé catholique officiel au Vietnam est sorti de sa réserve face à cette terrible catastrophe.
Ainsi, du 3 mai au 20 mai, quittant discrètement la province sinistrée, une délégation religieuse conduite par l'évêque Nguyen Thai Hop a effectué un périple européen pour une campagne d'informations et de soutien.
Un constat d'injustice intolérable
Force est de constater que donner une portée internationale à cette catastrophe constitue un moyen efficace pour les citoyens vietnamiens qui doutent d’une justice indépendante au Vietnam et de l'existence d'un Etat de droit. Les questions sont en effet nombreuses. Pourquoi une telle catastrophe a t-elle pu se dérouler ? Comment l'Etat contrôle t-il les activités industrielles sur le territoire ? Pourquoi le régime bloque les informations de la presse et réprime les protestataires ? Pourquoi les organismes internationaux et les ONG spécialisées dans la protection de l'environnement ne peuvent intervenir sur place ?
Les autorités communistes essaient de gérer la situation mais de manière confuse et contradictoire. Dans un premier temps, en expliquant qu'il s'agirait de phénomène naturel de marées. Ensuite, en réprimant durement les contestataires et les manifestants. Et pour finir, en acceptant unilatéralement et sans concertation une indemnité dérisoire.
Le sentiment général de la population est que le gouvernement, au lieu de soutenir les victimes dans leurs actions en justice, tente d’étouffer cette affaire par crainte de contestation générale. Il élude ainsi les responsabilités des cadres du parti communiste au pouvoir qui ont avalisé trop rapidement et trop facilement les permis d'exploitation.
Agir en porte-parole de la société civile
L’affaire de Formosa est un énorme scandale public au Vietnam, peut-être la plus grande de cette dernière décennie et elle reflète l'image du régime : incompétence, cupidité, répression des opposants et mépris pour le peuple.
Les milieux catholiques semblent avoir pris fermement leur responsabilité. La délégation venue en Europe pour évoquer cette affaire est majoritairement composée de membres du clergé catholique des provinces touchées. En quelque sorte, avec une poignée d'autres prêtres militants sur place, elle s'efforce d'agir en porte-parole d’une société civile.
Dans l'intervalle, les exactions quotidiennes et les mesures d'intimidation contre les protestaires continuent tandis que les journalistes indépendants (*) et les ONG internationales n’obtiennent pas l’autorisation de suivre cette affaire.
(*) Deux reporters suisses (Karin Wenger et Denis Marc Nordmann) de la SRF ont interviewé au Vietnam quelques prêtres de la délégation à leur retour d'Europe. Ils viennent d'être expulsés du Vietnam pour "non-respect du circuit touristique prévu".
http://www.srf.ch/sendungen/international/wirtschaftswunder-vietnam-mit-fatalen-folgen