Déjà une année depuis la catastrophe écologique

en mer vietnamienne

Marche pour la justice et les droits de l'homme

Le comité Suisse-Vietnam COSUNAM organise une rencontre entre la Ville de Genève et une délégation de représentants des victimes de Formosa

En date du 10 mai, le Cosunam a organisé une rencontre à Genève pour une délégation vietnamienne des représentants des victimes de la catastrophe écologique de Formosa. Constituée de représentants du clergé catholique du Vietnam et de militants de la société civile, la délégation a pu remettre un recueil de signatures de la lettre-pétition lancée en avril (*) - voir Cosunam Avril 2017- et fournir des informations récentes sur ce drame national aux autorités genevoises en la personne de son maire Guillaume Barazzone. En une dizaine de jours, la délégation vietnamienne a accompli un véritable marathon qui l'a conduit de la Norvège à la Suisse, en passant par l'Allemagne, la France et la Belgique où elle a pu s'entretenir avec les instances concernées de l'UE et les organisations spécialisées des Nations-Unies.

Reçue au prestigieux Palais Eynard, la délégation a pu s'exprimer devant un parterre attentionné  de personnalités genevoises. 

Nous avons fait un résumé de leurs propos ci-dessous :

Un devoir d'information

Le mois dernier, le clergé de Vinh et ses membres , et près de 200'000 personnes, citoyens vietnamiens et du monde entier, ont signé une lettre-pétition envoyée à la communauté internationale et aux autorités officielles. Nous attendons maintenant une réponse du gouvernement et de la société Formosa.

Jusqu’à présent, même au plus haut niveau, les autorités ne veulent pas admettre la gravité de la situation. Après la catastrophe, aucune analyse scientifique sérieuse de la pollution n’a été effectuée.

Grâce aux soutiens des différentes communautés vietnamiennes sur place, nous avons pu entreprendre un long périple depuis Oslo jusqu’à Bonn, puis à Bruxelles et aujourd'hui à Genève, pour instaurer un dialogue avec différentes organisations et collectivités. Partout, l’environnement, la justice, la dignité humaine, le respect des droits de l'homme sont au centre de nos propos.

C'est une tâche difficile à laquelle nous ne sommes pas habitués. Mais la situation dramatique dans laquelle se trouvent nos compatriotes du centre Vietnam motive notre engagement  pour cette « Marche pour la justice et les droits de l’homme ».

Comportement irresponsable des autorités

Tout d'abord, nous critiquons vivement le choix fait par les autorités de coopérer avec Formosa, une aciérie qui utilise des technologies désuètes et qui a déjà causé de fâcheux antécédents en matière de pollution. Le gouvernement a ensuite convenu unilatéralement avec Formosa une indemnisation de 500 millions de dollars. En principe, il aurait fallu analyser sérieusement les dommages directs et indirects et collaborer avec les victimes pour évaluer le préjudice subi. 

Deuxièmement, selon les autorités, le nombre des  plaignants serait évalué plus ou moins à 200' 000 personnes. En réalité, il y en a trois fois plus. Si on ajoute les dommages collatéraux, deux millions de personnes sont au total concernées.  Beaucoup de victimes ne figurent pas dans la liste officielle des personnes à indemniser. D'autres y figurent d'une manière abusive et souvent inexplicable.

Enfin, différents gouvernements étrangers ont voulu apporter leur soutien et leur expérience pour assainir les côtes polluées du Vietnam. Mais le gouvernement vietnamien n’a pas voulu y recourir. A Genève, nous avons eu aussi la confirmation que de nombreuses organisations spécialisées de l'ONU ont proposé sans succès  leur aide. Cette attitude irresponsable est incompréhensible. 

Vivre et non pas survivre

Nous ne demandons pas seulement une indemnisation juste pour les victimes, mais aussi la fermeture de l’usine Formosa à Ha Tinh afin d'éviter la contamination de la mer, des rivières, des sols et sous-sols et de nos ressources maritimes. Actuellement, il faut savoir que l’usine est encore en rodage. Le jour où elle se mettra à fonctionner à plein régime, que va-t-il se passer  pour notre population et les générations à venir ? Comment vivre dans cette région déjà lourdement sinistrée ?

 (*) La lettre-pétition d'avril 2017 a recueilli 196'400 signatures dans le monde https://thamhoaformosa.com/fr/

La délégation vietnamienne avec le maire de Genève, Guillaume Barazzone, et les membres et amis du Comité Suisse-Vietnam Cosunam 

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Reportage du passage de la délégation à Genève 

le 10 mai 2017 au Palais Eynard 

Cliquez

http://www.sbtn.tv/tiep-tuc-hanh-trinh-di-tim-cong-ly-cho-nan-nhan-formosa/

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Le point de vue du Cosunam

L'Eglise catholique

du Vietnam s'engage

Le père Nguyen Dinh Thuc est l'une des figures de proue du soutien aux victimes de la pollution maritime de Formosa

Si depuis le début de la crise en avril 2016, dans les provinces touchées par la catastrophe, des personnalités comme les prêtres Dang Huu Nam et Nguyen Dinh Thuc se sont engagées en 1ère ligne à côté de leurs paroissiens pour défendre leurs droits, c'est récemment que le clergé catholique officiel au Vietnam est sorti de sa réserve face à cette terrible catastrophe.

Ainsi, du 3 mai au 20 mai, quittant discrètement la province sinistrée, une délégation religieuse conduite par l'évêque Nguyen Thai Hop a effectué un périple européen pour une campagne d'informations et de soutien.

Un constat d'injustice intolérable

Force est de constater que donner une portée internationale à cette catastrophe constitue un moyen efficace pour les citoyens vietnamiens qui doutent d’une justice indépendante au Vietnam et de l'existence d'un Etat de droit.  Les questions sont en effet nombreuses. Pourquoi une telle catastrophe a t-elle pu se dérouler ? Comment l'Etat contrôle t-il les activités industrielles sur le territoire ? Pourquoi le régime bloque les informations de la presse et réprime les protestataires ? Pourquoi les organismes internationaux et les ONG spécialisées dans la protection de l'environnement ne peuvent intervenir sur place ? 

Les autorités communistes essaient de gérer la situation mais de manière confuse et contradictoire. Dans un premier temps, en expliquant qu'il s'agirait de phénomène naturel de marées. Ensuite, en réprimant durement les contestataires et les manifestants. Et pour finir, en acceptant unilatéralement et sans concertation une indemnité dérisoire.

Le sentiment général de  la population est que le gouvernement, au lieu de soutenir les victimes dans leurs actions en justice, tente d’étouffer cette affaire par crainte de contestation générale. Il élude ainsi les responsabilités des cadres du parti communiste au pouvoir qui ont avalisé trop rapidement et trop facilement les permis d'exploitation. 

Agir en porte-parole de la société civile

L’affaire de Formosa est un énorme scandale public au Vietnam, peut-être la plus grande de cette dernière décennie et elle reflète l'image du régime : incompétence, cupidité, répression des opposants et mépris pour le peuple.

Les milieux catholiques semblent avoir pris fermement leur responsabilité. La délégation venue en Europe pour évoquer cette affaire est majoritairement composée de membres du clergé catholique des provinces touchées. En quelque sorte, avec une poignée d'autres prêtres militants sur place, elle s'efforce d'agir en porte-parole d’une société civile.

Dans l'intervalle, les exactions quotidiennes et les mesures d'intimidation contre les protestaires continuent tandis que les journalistes indépendants (*) et les ONG internationales n’obtiennent pas l’autorisation de suivre cette affaire.

(*) Deux reporters suisses (Karin Wenger et Denis Marc Nordmann) de la SRF ont interviewé au Vietnam quelques prêtres de la délégation à leur retour d'Europe. Ils viennent d'être expulsés du Vietnam pour "non-respect du circuit touristique prévu".

http://www.srf.ch/sendungen/international/wirtschaftswunder-vietnam-mit-fatalen-folgen

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