Un des prisonniers politiques les plus connus a été libéré et expulsé du Vietnam vendredi 13 janvier après six ans de détention arbitraire et de durs traitements. Dang Xuân Diêu était de passage à Genève pour quelques jours .
Après avoir rencontré M.Tran Huu Kinh ainsi que d'autres responsables d'associations vietnamiennes de Suisse, l’ancien prisonnier politique vietnamien Dang Xuan Diêu s’exprimait au 9ème Sommet de Genève pour les Droits de l’Homme et la Démocratie (Geneva Summit for Human Rights and Democracy). C’est la première fois que Dang Xuan Diêu prend la parole dans une conférence internationale, afin de témoigner de la situation des droits de l’homme au Vietnam, et en particulier des prisonniers politiques.
Voici les principaux extraits de son allocution :
"J’ai été arrêté le 30 juillet 2011, condamné à 13 ans de prison et expulsé du Vietnam le 12 janvier 2017. J’ai été emprisonné pour avoir rêvé de changer mon pays de manière pacifique.
Appliquer la lutte non violente pour mettre fin à la dictature
Tout a commencé en 2006. À cette époque, je travaillais dans les transports. J’étais quotidiennement témoin d’injustices, de corruption et de dilapidation de nos ressources, notamment nos terres et nos mers qui passent progressivement sous domination de la Chine. Je sentais que je devais faire quelque chose pour empêcher tout ça. J’ai regardé sur le Net comment les gens utilisaient la lutte non violente pour vaincre les dictatures dans les autres pays et je me suis dit pourquoi pas au Vietnam ? J’ai senti que l'approche préconisée par le parti d'opposition Viet Tan était la solution. Je me suis senti soulagé car c’était vraiment ce que je recherchais - appliquer la lutte non violente pour mettre fin à la dictature et soutenir une société civile indépendante comme fondement d’une démocratie durable -.
Malgré mes craintes, j’ai commencé à rédiger des articles, signer des pétitions, distribuer des brochures et participer à des campagnes de distribution de t-shirts et de casquettes avec les slogans “Les îles Paracels et Spratley appartiennent au Vietnam”. C’étaient des actions très simples mais déjà lourdement réprimées par les autorités.
Avec d’autres étudiants, j’ai créé le Centre de Protection pour la vie Jean Paul II dans le Nghe An, une province du Centre du Vietnam. Ce centre avait pour but de fournir une aide aux jeunes du Diocèse de Vinh, et en particulier aux étudiants des universités du Nghe An et de Ha Tinh. En 2009, avec des amis vietnamiens venus de l’extérieur du pays, j’ai fondé le “Programme de Développement de Vinh”, qui visait à orienter les étudiants rencontrant des difficultés. Le programme a fonctionné un an jusqu’à ce que je sois arrêté en août 2011.
Le 8 janvier 2013, après deux ans de détention arbitraire dans diverses prisons, quatorze d’entre nous ont été jugés par le Tribunal populaire du Nghe An. L’audience a duré à peine plus de deux jours. Ce procès est devenu celui de la jeunesse catholique vietnamienne de Vinh. Les sentences avaient été déterminées à l’avance et les avocats n’ont pas été entendus.
Harcèlement, isolement et privations dans les prisons du Vietnam
Je suis allé de prison en prison, du sud au nord du Vietnam. Pour retenir l’essentiel, j’ai été déplacé dans six centres de détention différents en l'espace de 5 ans, j’ai connu des douzaines de cellules, toutes avaient leurs propres conditions difficiles. C'était surtout très pénible pour ma famille car les autorités essayaient délibérément ainsi de m’isoler.
Dans chaque prison et chaque étape de cette épreuve, j’ai dû faire face à différents types de harcèlement, qui étaient tous des interprétations arbitraires de la loi utilisée commodément contre les détenus. Je me suis opposé ouvertement mais pacifiquement au traitement inhumain des détenus.
J’ai rapidement dépéri et souffert de neurasthénie avant même que le harcèlement ne cesse. Un mois après, on m’a mis dans une autre cellule et mon ancien compagnon de cellule est mort en isolement avec ses pieds liés.
J’ai refusé de porter l’uniforme distribué par la prison. J’ai entamé plusieurs grèves de la faim, soit plus de cent jours sans manger et j’ai continué à jeûner pendant presque qu'une année avec un seul repas par jour, Quand ils ont vu que j’étais prêt à mourir, ils ont du arrêter les interrogatoires.
J’ai alors été envoyé dans une prison au sud du Vietnam, ce qui signifiait que ma famille devait parcourir plus de 1'500 kms pour me rendre visite. Au total, ma famille aura fait 45 déplacements dans des conditions souvent exécrables, mettant tout leur temps et leurs maigres ressources pour essayer de me rencontrer. Mais ils n’ont jamais pu me voir. Les responsables de la prison ont menti à ma famille en prétendant que je je refusais toute entrevue. C’est la forme la plus horrible en matière de violation des droits de l’homme.
Mon droit à la liberté de religion a également été piétiné en prison. Les gardiens ont utilisé l’article 11 du règlement carcéral pour interdire tout document touchant à la religion.
D'autres prisonniers de conscience souffrent et on besoin de nos voix en Suisse et dans le monde libre
En choisissant de servir notre peuple et de lutter pour la justice et la liberté pour notre pays, nous risquons toujours une arrestation brutale et un emprisonnement arbitraire. En prison, notre dignité est piétinée, nous sommes isolés et nos vies sont menacées.
Beaucoup d’autres sont en train de vivre la même expérience, notamment Ho Duc Hoa, Tran Huynh Duy Thuc, Dinh Nguyen Kha, Nguyen Van Dai, Nguyen Dang Minh Man, Tran Thi Thuy ou ceux qui ont été récemment arrêtés, comme Nguyen Van Oai, Nguyen Van Hoa, Tran Thi Nga. Ils ont besoin de notre aide et de notre voix.
Sans le soutien de la communauté internationale, je serais certainement encore en prison. Je vous remercie profondément de votre présence aujourd’hui. Cela démontre la force de la communauté internationale. J’espère que vous continuerez à faire entendre votre voix et à faire pression sur le gouvernement vietnamien pour qu’il cesse d’arrêter les militants pour la démocratie et les droits de l’homme et pour qu'il libère tous les prisonniers d’opinion."
Dang Xuan Diêu
Cliquez ici pour le reportage en vietnamien de la TV SBTN Genève
https://youtu.be/djdLJi6UaFQ