Le printemps démocratique du Vietnam a commencé

Rolin Wavre, député genevois, président Comité Suisse-Vietnam

On avait l'impression que rien ne pourrait jamais changer au Vietnam et que le poids du Parti unique et d'un appareil de sécurité surdéveloppé permettrait au régime de maintenir sous le couvercle les aspirations d'un peuple à la liberté. Mais il semble que les choses sont en train de bouger : et c'est le sentiment de fierté nationale qui a poussé des dizaines de milliers de courageux citoyens dans tout le pays à s'élever contre la faiblesse et la corruption de ses dirigeants. Contre la porte ouverte à la superpuissance chinoise.

Il faut dire que la plupart des gouvernements étrangers se montrent d'une consternante complaisance avec cette dictature en bout de course. Ne serait-il pas temps pour nos gouvernements de commencer à penser à plus long terme ? Le temps de songer à construire une relation avec le Vietnam et ses 90 millions de citoyens par dessus le régime actuel ? Faut-il vraiment soutenir un gouvernement qui laisse le géant chinois s'installer en plusieurs points du territoire sous couvert de modèle de développement économique après avoir concédé déjà les îles Hoang Sa et Truong Sa au large des côtes ?

Avec la tentative de mise sous tutelle de l'Internet, à l'exemple de la Chine, le gouvernement montre qu'il a vraiment peur de l'information, de la contestation et du débat. Et finalement, de la vérité. Si le dernier espace de très relative liberté devait disparaître, ce ne sont pas des dizaines de milliers mais des millions de vietnamiens qui prendraient la rue pour clamer leur envie de liberté.

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Grandes manifestations dans les villes du Vietnam 

A la veille de deux votations cruciales par l'assemblée nationale vietnamienne, la  population a spontanément manifesté en masse dans toutes les grandes villes du pays, du Nord au Sud, contre deux projets de loi : la concession pendant 99 ans de 3 zones économiques et la surveillance sur Internet. Le lundi 10 juin 2018 restera d'ores et déjà comme une journée historique avec cette première contestation générale et populaire contre le régime communiste mis en place depuis la chute de Saigon en 1975.

Zones économiques à louer pour 99 ans

Plus d'une centaine de protestataires ont été arrêtés et des dizaines d'autres tabassés ou blessés lors de ces manifestation qui ont eu lieu dans différentes localités du Vietnam, Hanoi, Saïgon, Da Nang, Nha Trang, Phan Thiet, Dalat, My Tho etc. La ville de Phan Rang- Phan Ri au centre Vietnam a notamment été le théâtre de violentes échauffourées entre les forces de sécurité et une population chauffée à blanc contre les récents scandales de pollution, d'expropriation de terres et de sabordages en pleine mer de bateaux de pêches par des navires chinois. D’autres protestations de ce genre se sont récemment succédées dans tout le pays, faisant entendre les voix de ceux qui savent que ces futures zones économiques spéciales seront inéluctablement dominées par les investisseurs chinois (voir carte d'implantation :  Vân Dôn au Nord, Bac Van Phong au Centre, et l'île de Phu Quôc au Sud).
 
Soumise à une telle pression populaire, l'assemblée nationale vietnamienne a dû reporter en fin d'année le vote sur le projet de loi qui est, en fait, une porte ouverte à la mainmise de la Chine, déjà omniprésente dans tous les rouages de l'Etat vietnamien.

Avec la loi dite sur la "sécurité Internet", le Vietnam continue à verrouiller sévèrement la liberté d'expression

Les manifestations du 10 juin pointaient aussi le parlement vietnamien, instrument législatif docile du parti communiste vietnamien, qui devait "voter" sur le projet de loi sur le contrôle d'Internet à l'exemple de la Chine.

Cette loi interdirait sur Internet, notamment via Facebook et Twitter, tout partage ou commentaire d’informations lié à l’actualité ou à la politique.

Le gouvernement vietnamien prévoit également d’interdire aux fournisseurs de services Internet de relayer des informations sur le Vietnam, "portant atteinte à la sécurité nationale, à l’ordre social et à l’unité nationale".

Avec ce nouveau texte qui devrait entrer en vigueur en janvier 2019, les plateformes du web seront dans l'obligation de stocker les informations personnelles et les données des utilisateurs au Vietnam même alors qu' actuellement Google et Facebook stockent les données personnelles et confidentielles des utilisateurs vietnamiens à Hong Kong et à Singapour.

La liberté d'expression devrait être la condition préalable au respect des droits de l'homme

La nouvelle loi interdit également les appels aux rassemblements publics et tout discours qui «porte atteinte» au drapeau national, aux dirigeants ou aux «héros» nationaux.

«Dans ce pays très répressif, l'espace en ligne offrait un refuge relatif où les gens pouvaient partager leurs idées et leurs opinions avec moins de crainte de la censure», a regretté Clare Algar d'Amnesty International.

«Avec les pouvoirs étendus accordés au gouvernement pour surveiller internet, cela signifie qu'il n'y a plus d'espace sûr au Vietnam où les gens peuvent parler librement», a-t-elle ajouté " ". Pourtant, la liberté d'expression devrait être la condition préalable au respect des droits de l'homme.

L'internet vietnamien était déjà jugé «non libre», par Freedom House, un organisme de surveillance du web, qui classe le Vietnam juste devant la Chine en Asie

 

L’opinion internationale a bien évidemment vivement réagi. Les Etats-Unis ont ainsi indiqué via leur ambassade leur très « profonde préoccupation (…). Les libertés fondamentales s’appliquent en ligne autant que hors ligne », a souligné le communiqué américain. Les organisations mondiales de défense des Droits de l’Homme, comme Reporters sans frontières (RSF) ont vivement critiqué cette nouvelle loi, considérée comme un nouveau scandale liberticide de la part du régime communiste. En Suisse,un collectif de Vietnamien(nes)s de diverses associations s'est mobilisé spontanément devant le Palais de Justice de Lausanne en faveur de leurs compatriotes au Vietnam.

Plus de la moitié des 93 millions d'habitants au Vietnam ont accès à Internet et le pays se situe parmi les 10 premiers au monde en pourcentage d'utilisateurs Facebook, alors que le réseau social est bloqué en Chine.

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Voilà plus d'une dizaine d'années que cet avocat courageux se bat pour ses droits et ceux de ses compatriotes brimés

Une amère libération pour l'avocat Lê Van Dai

" Fraternité de la démocratie"

L'avocat dissident vietnamien Nguyen Van Dai et son assistante Le Thu Ha ont été libérés ce jeudi 8 juin. Membres de « Fraternité de la démocratie », ils sont arrivés dans un avion d’Air Vietnam en Allemagne.

La démocratie n'est pas un crime

Rappel des faits : un collectif de 6 citoyens vietnamiens se sont fait connaître lors de leur détention arbitraire et de la mascarade du procès en avril dernier qui s’est soldé par une condamnation d'un total de 66 ans de prison. Leur slogan «  La démocratie n’est pas un crime ».
Par lettre ouverte au DFAE suisse  signée par une dizaine de personnalités politiques genevoises et Amis suisses, par plusieurs actions auprès de UN Watch et sur le terrain (voir images du 30 avril , newsletters et www.cosunam.ch), le Cosunam s’est fortement engagé pour leur défense et leur soutien à l’exemple de nombreuses associations de défense des droits de l’homme et de la démocratie dans le monde.

Monnaie d’échange de Hanoi
Si la mise en liberté d’un dissident est toujours une réjouissance pour nous, il n’en reste pas moins que celle-ci a de nouveau un goût amer. En effet, pourquoi libérer 2 personnes seulement , sachant que quatre membres de leur groupe dont le pasteur Nguyen Trung Ton sont encore incarcérés pour des peines similaires ?
Nul doute que cette action unilatérale et partielle de Hanoi aurait pour but d’amadouer l’Allemagne et l’UE dans le dossier incroyable et éventré de l’enlèvement d’un ressortissant vietnamien par les services secrets du régime en plein centre de  Berlin en juillet dernier au mépris de toutes règles et conventions  internationales ( voir ci-dessous notre article " Espionnage et rapt à Berlin")

Sitôt libérés, sitôt exilés mais le combat continue
A son arrivée en Allemagne avec son assistante Le Thu Ha, Nguyen Van Dai a prévenu : « Je ne suis pas venu en Allemagne pour y rester sur le long terme . Ma mère patrie est le Vietnam, je me battrai pour y retourner. »

La libération de Nguyen Van Dai et de son assistante n'apportera aucun crédit au gouvernement d'Hanoï. Nous appelons les autorités à cesser «d'utiliser les dissidents comme outils de marchandage en vue d'obtenir des avantages commerciaux des pays occidentaux ». Comme pour Dang Xuan Diêu, il convient de condamner l'exil forcé des personnalités critiques du régime.

Les actions du Cosunam en faveur des prisonniers de conscience ne sont pas vaines. Faire connaître leur dossier, parler et informer sur leur sort soulagent leurs conditions de détention et accélérèrent leur libération. Les familles des dissidents remercient vivement les amis et citoyens suisses qui ont signé la pétition de mars 2018 en leur faveur ou soutenu et encouragé nos actions à ce jour, réunies sous le slogan

"La démocratie n'est pas un crime".

Rolin Wavre ( Député), Jean-Marc Comte (Conseiller administratif), Michel Rossetti (Ancien maire de Genève), Simon Brandt (Député), Pierre Conne (Député), Natacha Buffet-Desfayes ( Députée), Bernard Favre, Sébastien Desfayes (ancien Président du PDC cantonal), Anne-Marie von Arx (Députée), Alexandre de Senarclens (Député), Nathalie Fontanet (Conseillère d'Etat), Jean-Luc von Arx (Conseiller municipal), Elizabeth Boehler, Valentino Cavalieri (Conseiller municipal), Anne Comte, Joël et Eliane Frauenfelder, Serge Dal Busco (Conseiller d'Etat), Luc Barthassat ( Ancien Conseiller d'Etat) , Pierre Maudet (Conseiller d'Etat), Patricia Bidaux (Députée), Jean-Marc Guinchard (Député), Simone de Monmollin ( Députée), Jean- Luc Forni ( Député) Raymond Wicky ( Député).

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Le dossier chaud actuel qui discrédite complètement le régime de Hanoi auprès des chancelleries et des milieux diplomatiques occidentaux

Espionnage et rapt à Berlin

Un Vietnamien Long N.H. comparaît depuis février en Allemagne pour son rôle présumé dans l'enlèvement d'un compatriote M. Trinh Xuan Thanh à Berlin, par un commando du régime venant du Vietnam selon un scénario digne de la Guerre Froide.

Leur victime, Trinh Xuan Thanh, 52 ans, ancien membre du parti communiste vietnamien et ex-dirigeant d'une filiale d'une entreprise pétrolière publique vietnamienne, avait été enlevé avec sa maîtresse le 23 juillet 2017 en plein jour dans un célèbre parc berlinois.

Accusé par Hanoï d'avoir détourné 120 millions d'euros, M. Thanh était alors en fuite et cherchait asile en Allemagne.Ce personnage est l'un des nombreux fonctionnaires, banquiers ou hommes d'affaires vietnamiens liés au parti communiste et condamnés ces dernières années dans le cadre d'une vaste lutte de factions et de purges.

Les conditions rocambolesques de son enlèvement sont dignes d'un roman policier sur la Guerre froide : alors que l'ancien apparatchik et sa maîtresse se promenaient dans un parc en plein centre de Berlin, ils ont été subitement attaqués par un groupe d'hommes armés, jetés dans une fourgonnette, conduits à l'ambassade du Vietnam, puis finalement expédiés par voie détournée dans leur pays.

Le parquet fédéral allemand affirme détenir les preuves que le commando venu du Vietnam a agi à l'initiative de services gouvernementaux vietnamiens.

Malgré les témoins de cet enlèvement brutal, Hanoï soutient au contraire que Trinh Xuan Thanh est revenu de son plein gré.

L'enlèvement a provoqué une crise diplomatique entre l'Allemagne et le Vietnam. Berlin a dénoncé une "violation scandaleuse" de sa souveraineté et le ministre des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, avait fustigé des méthodes dignes des "films noirs sur la Guerre Froide".

En représailles, Berlin a expulsé deux diplomates et plusieurs fois convoqué l'ambassadeur vietnamien. Les visas d'entrée en Allemagne pour les ressortissants ont été réintroduits et les accords stratégiques de coopération et de développement suspendus sine die. Lors d'une conférence de presse, la chancelière Merkel a évoqué publiquement ce dossier et demandé le soutien de l'UE.

La justice allemande a en outre lancé un mandat international contre le général Duong Minh Hung, responsable adjoint des renseignements vietnamiens, soupçonné d'avoir directement coordonné l'enlèvement depuis un hôtel berlinois, avant de rentrer dans son pays, selon le quotidien Süddeutsche Zeitung.

Le procès a démontré que "la moitié de l'ambassade" du Vietnam à Berlin " était impliquée dans l'enlèvement, la femme de l'attaché militaire se chargeant notamment de réserver tous les billets d'avion nécessaires.

Le contre-espionnage allemand a notamment reconstruit l'itinéraire des kidnappeurs en exploitant les données GPS des véhicules de location, des images de vidéosurveillance des lieux publics, des témoignages ainsi que le contenu du téléphone portable de Trinh Xuan Thanh, retrouvé sur les lieux de l'enlèvement.

Le procès actuel qui en est à sa 8ème séance devrait se terminer en août prochain.

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Non à la surveillance d'Internet.

Oui à la liberté d'expression.

Oui à la liberté de manifestation.